Le Mars Club, de Rachel Kushner

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Lauréat du Prix Médicis étranger en 2018, ce roman a pour trame littéraire le parcours d’une détenue, Romy Hall, dans une prison où elle purge une double peine à perpétuité.

La vie peut elle subitement basculer dans l’enfer de la réclusion à perpétuité?

Le Mars Club, c’est avant tout le récit d’une mère, d’une femme comme il en existe tant aux Etats-Unis. Celle qu’on croise souvent au supermarché, mal fagotée, fatiguée, et qui semble chercher le sens de sa vie. Son décor ? La somme de ses choix. Et les conséquences de ceux des autres sur sa propre vie.

Après avoir suivi et aimé la série Orange is the New Black, j’avais hâte de lire une autre histoire issue de l’univers carcéral. J’avais déjà approché cette thématique à plusieurs reprise avec Iboga et En ce lieu enchanté, mais jamais un roman ou la femme était au centre de l’histoire.

C’est un roman qui doit être lu. Non pas parce qu’il a été lauréat d’un prix, mais parce que l’histoire de Romy Hall est criante de simplicité et à la fois tellement injuste.
Et puis non en fait, il est juste si l’on en croit les règles. Mais malgré tout il existe après la lecture une forme de compréhension de la sentence. On y découvre aussi les lacunes et les absurdités de la justice américaine.

Au départ, Romy Hall est très digne. Forte. Elle tient à ses principes, et ne s’accorde aucune faiblesse. La douleur et les craintes qu’elle éprouve à l’égard de son fils Jackson sont ses seuls points de repères. Après tout, qu’aurait-elle pu faire d’autre que ce geste qui l’a conduite au pénitencier de Stanville?

Il ne s’agissait ni de sacrifice, ni de stoïcisme. Pas plus que de la nécessité de purger sa peine sans gémir ni se plaindre. Il s’agissait de dignité, d’être digne enfermée dans une cage. Même entravée, même sous le coup d’une décharge de taser.
Etre quelqu’un à n’importe quel prix…

Peu à peu, cependant, ses certitudes s’étiolent et elle en vient à rejoindre les autres prisonnières et leurs manières qu’elle décriait tant… Car derrière les murs des prisons, aussi fortes soient-elles, les femmes ne sont jamais plus que face à elles-mêmes. Et le système les encourage à l’introspection et à la profonde compréhension de leur geste pour peut-être un jour, espérer pouvoir défendre une liberté conditionnelle… Mais pas pour Romy. Elle le sait, elle n’en verra jamais l’ombre…

Rachel Kushner a un grand talent pour orienter le lecteur et retracer ici à la fois le passé de Romy, mais aussi son parcours au présent. C’est ce qui m’a particulièrement touchée dans ce roman. La transformation de Romy Hall au fil du temps.

Elle brosse les caractères des différents acteurs, explique leurs choix, ose les contradictions et confronte les points de vue, s’immisce dans leur cerveau et y débusque les mécanismes les plus subtils, à l’origine de ces incarcérations. Le fait que plusieurs personnages s’imbriquent, en ayant chacun leur morceau de chapitre, permet de comprendre parfois comment les acteurs sont liés les uns aux autres, mais aussi pourquoi ils ont agit de la sorte. Cela m’a d’ailleurs parfois apporté une forme de compassion déroutante !

Au delà du destin de Romy Hall, l’auteure tente de nous faire connaître l’Amérique, celle des gens ordinaires. Les destins brisés. Elle entre de manière pudique et respectueuse dans l’horrible Couloir de la Mort. En explique le quotidien. Les larmes, les solitudes. Et bien qu’il ne s’agisse pas de l’élément central du récit, c’est bien celui-là qui laisse le plus de traces et qui donne à réfléchir.

Je recommande cette lecture !

 

Un commentaire sur “Le Mars Club, de Rachel Kushner

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  1. Bonjour,c est en effet un superbe livre que j’ai bcp aimé pour les mêmesraisons, et tu en parles bien. J’appréhendais le thème (milieu carcéral) mais c est en fait un roman sur l’Amérique un peu oubliée, et un beau portrait de femme (et de mère…)

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